Le problème de la grâce
- La grâce est-elle la restauration rapide de quelque régime spirituel ? Se pourrait-il que la bonté imméritée soit la malbouffe des fainéants ?
Par définition, la grâce est « la faveur imméritée » par laquelle Dieu nous manifeste sa bonté, que nous ne méritons pas. Elle est étroitement liée à la miséricorde dont il use envers nous lorsqu’il refuse de nous infliger la punition que nous méritons.
Le problème de la grâce, c’est qu’on peut mal la comprendre et en abuser au point de faire ressortir ce qu’il y a de pire en nous.
- Certaines personnes qui se croient en droit d’attendre des bienfaits qu’elles n’ont pas mérités peuvent abuser de la grâce.
- Ceux qui agissent mal avec l’intention de demander pardon plus tard peuvent considérer tout simplement la grâce comme un filet de sécurité.
La grâce comporte cependant un autre aspect, que tous les abus et toutes les critiques du monde n’ont aucunement changé.
Ce qui est bien avec la grâce, c’est qu’elle peut faire ressortir ce qu’il y a de mieux en nous, plus que ne pourrait jamais le faire toute menace morale, tout défi, ou toute éducation. Plus que n’importe quelle drogue, rêve, bonne fortune, la grâce a le pouvoir de remonter le moral et de redynamiser le caractère de quiconque découvre qu’il en a besoin et qu’il a toute liberté de la demander, car Dieu est toujours prêt à la donner à ceux qui s’humilient devant lui (Jacques 4.6).
Une des révélations les plus merveilleuses de la Bible, c’est que nous n’avons pas à nous demander si la réalité d’une telle bonté imméritée est trop belle pour être vraie. Si nous nous fions à la sagesse transformatrice de la Bible et à nos propres expériences, nous savons que nous devons notre vie et notre reconnaissance éternelle à ce que les théologiens appellent la grâce commune de Dieu.
La grâce commune, considérée comme acquise, fait référence aux dons innombrables et immérités de Dieu qui rendent la vie agréable et même possible. Jésus a mentionné ce type de grâce lorsqu’il a dit que Dieu fait luire le soleil et fait tomber la pluie sur tous les êtres humains, que nous soyons des amis de Dieu reconnaissants ou ingrats (Matthieu 5.43-45 ;
Luc 6.35).
L’apôtre parlait de grâce commune lorsqu’il a écrit : « Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu’il n’ait cessé de rendre témoignage de ce qu’il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos cœurs de joie » (Actes 14.16,17)
Nous dépendons tellement de la grâce commune que nous ne pourrions même pas tendre vers Dieu une main ouverte ni un poing fermé, si ce n’était de la vie et de la force qu’il nous a données.
La grâce commune, toutefois, n’est que le prélude à la bonté imméritée que Dieu nous témoigne. Selon l’apôtre Paul, les richesses de la bonté de Dieu desquelles dépend notre vie ont pour but de nous amener à connaître une sorte de grâce plus personnelle (Romains 2.4).
Les théologiens parlent d’un second aspect de la bonté imméritée de Dieu, qui nous est donnée à la condition d’exercer la foi.
La grâce salvatrice fait référence à tout ce que Dieu est prêt à faire pour tous ceux qui acceptent par la foi son offre de salut gratuit en Christ.
L’apôtre Paul avait en tête la grâce salvatrice de Dieu quand il a écrit : « Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Romains 5.1,2).
Si nous comprenions vraiment ce qu’il y a derrière ces paroles inspirées d’une époque reculée, je suis persuadé que nous ne pourrions pas contenir notre joie et notre émerveillement.
Si nous comprenions vraiment la grâce, nul doute que nous chanterions, danserions, et crierions à tue-tête jusqu’à épuisement, pour ensuite nous abandonner à l’état d’esprit le plus serein, le plus paisible et le plus reconnaissant qui soit, avant de reprendre ce voyage extraordinaire de la foi.
On ne saurait trop insister sur l’importance de la grâce. Rien au monde n’a plus de valeur que la relation personnelle avec Christ, qui nous est offerte gratuitement et qu’aucun de nous ne mérite ni ne pourrait jamais acquérir à prix d’argent.
Cependant, ici il convient de faire un autre pas sur la route du réalisme. Aussi généreux Dieu puisse-t-il être en matière de grâce tant commune que salvatrice, il est trop sage et trop bon pour suspendre la loi régissant les conséquences sociales de la désobéissance.
Quoiqu’il puisse être inconcevable de vivre dans un monde privé de grâce, il serait encore plus inconcevable de vivre dans un monde exempt de conséquences. Sans la crainte qu’inspirent les conséquences, nous serions encore plus portés à appliquer la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent, à ceux qui nous ont fait du mal et qui maintenant ont besoin de notre aide.
Un des miracles de la grâce, c’est qu’elle peut toucher les vies les plus brisées avec une bienveillance aussi sage que compatissante. Étant donné que la sagesse de la grâce émane d’au-delà de nous-mêmes, elle nous permet de pondérer la faveur de Dieu par l’application d’une justice qui soit la plus équitable et la plus charitable possible.
La grâce et les conséquences. La grâce qui renonce à punir des cadres financiers pris de remords pour avoir détourné des fonds ne leur permettra toutefois pas de continuer à gérer l’argent de la compagnie qui les employait. La bonté imméritée peut toutefois offrir des conditions de restitution comme moyen de réparation de torts causés dans le passé.
La grâce qui pardonne à un pédophile sincèrement contrit ne permettra pas que cet individu soit en contact avec des enfants sans être sous la surveillance de quelqu’un. La bonté imméritée offrira de l’acceptation, mais aussi des limites raisonnables comme moyen de rachat d’une vie perdue.
La grâce qui se montre indulgente envers un employé ayant failli à maintes reprises de s’acquitter des tâches qu’on exigeait de lui ne doit pas se sentir obligée de maintenir cette personne dans son emploi. La bonté imméritée peut trouver une solution de rupture de contrat de travail qui soit équitable et aider la personne à trouver un emploi qui soit dans ses cordes et qui réponde à ses besoins présents.
La grâce qui pardonne à un époux ou à une épouse coupable de violence conjugale, d’adultère, ou d’abandon, ne signifie peut-être pas qu’il faille rester dans ce mariage. La bonté imméritée cherchera une solution pour vivre une relation appropriée qui ne soit pas marquée par l’amertume et la colère.
Dans chacun de ces exemples, la grâce trouve un moyen de refléter la bonté imméritée, qui est une constante dans la grâce commune et salvatrice de Dieu. Bien qu’une telle grâce ne ferme pas les yeux sur le passé, elle rachète néanmoins l’avenir.
Père céleste, ensemble nous reconnaissons que tu nous témoignes cette sorte de grâce par le prix que ton Fils a payé pour nous sauver. Pardonne-nous de considérer la grâce qu’il a acquise pour nous comme de la restauration rapide. Une fois encore, nous tendons nos mains vers ta faveur imméritée, en te priant : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés… » (Matthieu 6.11,12).